2017 - Malheureusement, Raymond nous a quitté pour le paradis des artistes.
Découvrez Raymond Martin qui manie la plume et le pinceau.
ANTINEA
Mes pensées voguent vers toi, ô énigme, source d'incertitudes,
Es-tu là, gisante, sous les sables d'ocre ardent ?
Je pense à toi, énigme cruelle que la raison rude
Occulte de la mémoire, ton visage rayonnant.
Déesse mythique, reine, tu obtins sensualité et beauté en héritage.
Ton royaume antique n'était pas celui de Saba
Mais, digne, Salomon t'aurait certes aimée et vénérée sans partage
Si même l'aurais-tu, cruelle, mené au fatal trépas.
Où es-tu, toi dont tout l'univers se jetait à tes pieds ?
Les Dieux t'auraient-ils oubliée dans ce royaume de dunes ?
Hantes-tu encore les mortels, les nuits fraîches par les étoiles irradiées,
A la recherche du dernier et insouciant amant au clair de lune ?
Hantes-tu encore, lascive dans ton palais lugubre du Hoggar
Cherchant d'hypothétiques indices du passé glorieux de ton aïeul Atlas
Qui régna de la grande île mystérieuse jusqu'à l'Egypte avec égards,
Procurant beauté et sagesse aux peuples bonasses ?
Tu régnas des sables fins aux rocs de l'Atlas,
Par la plume romanesque d'un chantre peut-être initié
Ô toi, Antinéa, reine d'Atlantide mystérieuse et salace,
Tu hanteras mon âme troublée pour l'éternité.
JADIS, NULLE PART ET MAINTENANT
A l'horizon hypothétique du soldat fourbu. Romain
Ou Herbert peut-être, godillots baillant aux corneilles, crottés
Lassés de cheminements incertains, de la Somme au pays Lorrain,
Se dessine leur destin obscur par le clairon sonné.
L'ondée câline s'annonce sur la pourpre colline
Zébrée par le vol des corbeaux aux becs belliqueux.
Le caracol surpris par la rude fraîcheur se remet en coquille,
Prenant son parti d'espérer en un moment plus heureux.
Les entrailles de la terre épuisée ont mauvaise mine.
Trouée de toute part sous les assauts puissants de la cheddite.
Violée sans détour ni vergogne pour qu'elle abandonne son opaline
De son ventre assailli, flétri, et crache ses précieuses pépites.
La trappe béante du trou noir, aspirateur cosmique
Piège l'esprit humain constellé de folles utopies
La nature intelligente par essence, réfutant la causalité Déiste
Se suffit à elle-même pour vibrer à l'infini.
« Dieu est mort » déclama Nietzche, atteint de lucidité soudaine.
Inutiles sont les massacres d'innocents proférés en son nom.
Maintenant, peut-être, homme, tu vis seul et dois oublier ta peine.
Bénis c ette sphère unique et bannis le talion.
Jadis et naguère, parallèlement, est-il mort le poète,
Que ses vers ne circulent plus en nos bouillantes veines
Rabougries et exsangues de mots à la sonie parfaite
Qui résonnaient en un vieux temple antique en l'honneur de Verlaine ?
CHAMPS DE BLE
Vogue dans la tête encombrée
Une vague idée de cliché tronqué
Par la pure vérité.
Le temps des amours s’étire à tire d’ailes
Balles au rebond à saisir
Jouvenceaux et jouvencelles.
Preux ou pas, l’amour chevaleresque
Rouille cotte de mailles
Et étriers.
Perles de rosée au petit matin brumeux
Habillent le chiendent
Au regard épineux.
Un rai de soleil dessine sa joie
Soulignant le doux minois
De mademoiselle Julie.
Impressions du soleil levant dans la pipe de V incent
Et la flûte solo du faune
Vibre aux tonalités de Manet.
Délicieux jardin des Hespérides
Coquelicots vermillons
Perdent leurs rides.
Pommes d’or, cadeaux de la Déesse Gaïa
Fécondent la divine
Jalouse déesse Héra.
Le chemineau au long de sa route sans fin
Quémande sols et besogne
Pour apaiser sa faim.
Des micro-sillons terreux vivifiés du semeur
Sortiront les têtes blo ndes
De dorés champs de blé.
IMPRESSIONS AU SOLEIL D'AUTOMNE
Matins argentés, dominés de rosée perlée,
De la nuit automnale fraîche et odorante.
Toile ténue de l'araignée nocturne,
Piège le moucheron inconscient de la ronce ennemie.
Le pont erratique et effrité contemple, rêveur, la courbe
De son arche dans l'onde reflétée de la rivière encaissée.
Point rouge flottant du bouchon espérant
Son hypothétique odyssée sous-marine.
Le grincement lancinant de la roue vermoulue du moulin
Annonce la poudre blanche que devront pétrir
Les doigts d'un magicien hors d'âge.
On devine déjà l'odeur d'un joyau hérité du levain.
Dans le sentier au loin, un panier en osier se promène,
D'où débordent des chapeaux bruns, ruisselants et visqueux.
Une lueur jaunâtre scintille sur l'eau, annonçant
La montée rayonnante de l'astre du midi.
Un clocher furtif dans la cime des chênes égrène ses dix heures.
Ablettes et gardons s'émeuvent à l'unisson,
Prenant garde à l'asticot perché sur l'hameçon,
Tandis que l'eau émet ses dernières vapeurs.
Aujourd'hui, jour béni des dieux, la friture
Ravira grands et petits gourmands.
Au loin, la masse brune imposante de la brave
Limousine tire ses socs argentés,
De ssinant un sillon moelleux dans la terre meurtrie.
Dans un creux de la rive, le rosé aigrelet
De la bouteille rafraîchie attend son heure.
La menthe sauvage jette ses effluves sur l'herbe détrempée.
Un lézard repus profite du calme sur la pierre chauffée de la digue.
Et les frêles roseaux frémissent par le jeu du vent et de l'eau.
Les mousserons derniers nés de la nuit étoilée
Nourrissent le nonchalant limaçon à l'allure altière,
Assuré d'un festin extraordinaire.
C'était des matins argentés d'éphémères impressions.
QUARTIER LATIN
Un bruit lancinant courait dans la rue
Obsédé par l’idée d’y trouver un écho
Tel le bruit sec, contre un roc, du soc d’une charrue
Mais seul, épuisé et déprimé, il n’y trouva plus ses mots.
Dans la ruelle monochrome, un charançon rougeâtre
Festoie des restes parsemés de graminées égarées
Par le passereau craintif sautillant sur ses pâtes.
Un griffon rabougri déshonore le lampadaire désœuvré.
Un cloporte hirsute ricane de cette scène, rue du Four,
En chantant un hymne effréné en l’honneur de Bacchus.
Cinq coups résonnent d’un gothique clocher alentour
Dérangeant le chineur déçu en voyant le ramas.
A l’ombre de l’ancestral robinier du square Viviani
La fraîcheur garantit le repos au ramereau picoreur
Sous le regard bienveillant de Saint-Julien, protecteur
Du pauvre somnolant sur le banc graniteux des mélancolies.
Tournoiement d’une feuille séchée au soleil tombant
Se posant en Seine sur la crête d’une vague
Qui l’amène vers son unique destin, le couchant.
Aura-t-elle la chance de pouvoir dépasser la Hague ?